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Dardanelles  "mouillage hors normes"

 
   

     C’est probablement un record… Laorana a mouillé ce matin 14 août 2011, par 108 mètres de fond.
 

     108 mètres c’est certain, c’est ce qu’annonçait le sondeur, et on n’a pu remonter que 7 mètres de mes 115 mètres de ligne de mouillage.
Cerise sur le gâteau, c’était le matin, au lever du jour, juste au débouché des détroits des Dardanelles, là où le courant est le plus fort. Encore mieux… juste au milieu du rail montant, là où les super tankers de 300 m de long mettent toute leur puissance pour arrondir leur route au 1er virage…
 

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  • "Strong currents run south-west through Canakkale Bogazi. They have reached 5 knots in Nara Gecidi. (Nara Gecidi : détroit en turc) "
    • Voilà, ce qu’écrit l’amirauté britannique !!!
    • En mouillant j’ai pu vérifier… C’est exact

     

  • Nous quittions Canakkale, route au SW, vers le nord de la mer Egée
  • On a préféré couper le rail à ce niveau, avec une bonne visibilité sur les cargos du rail descendant..

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Historique :
     On traverse, d’abord le rail montant, au cul d’un énorme RoRo (Roll On/Roll Off)… Après avoir laissé passer 3 cargos, descendants.
Juste après avoir négocié son sillage, j’entends un bruit d’enfer. Obnubilé par mes problèmes récents d’inverseurs, je me bloque là dessus, et pense immédiatement que la boite est en vrac, et mets au point mort… Là-dessus, gicle Marie France qui me hurle : ta chaîne fout le camp !!!
 

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  • Purée le con, juste au milieu du rail
  • A cet endroit, il fait ¼ de mille de large, c’est l’endroit où il est le plus étroit.
  • C’est pourquoi j’ai préféré traverser ici
  • ¼ de mille c’est tout même un peu plus de 400 mètres, çà laisse de la place…
  • Mais, c’est à rapporter au près de 300m de certains tankers…
  • Or, il passe 1.000 cargos par semaine, ici.

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  La manœuvre
 

     En filant à l’étrave, je jette un coup d’œil au sondeur qui annonce un peu plus de 100 mètres, et vérifie si les cargos suivants me laissent un peu de temps pour manœuvrer. Arrivé à l’avant, je constate que la chaîne est sortie du barbotin, et que l’étalingure est excellente, elle tient bien… Toute la ligne à filée (65 m de chaîne de 10, et 50 m de câblot, en squareline de 18.
     Tout çà tendu à mort… Je me dis, avec plus de 100 m de fond, je vais draguer, et pouvoir remonter…
     Retour au cockpit, pour demander à Marie France de venir à la barre pour soulager le guindeau au moteur… Inutile, elle y est déjà (c’est incroyable ce que cette femme réputée handicapée, retrouve comme qualités marines quand il y a urgence !!!)
 

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  • Rien à faire pour soulager le mouillage, impossible de repasser le câblot sur le barbotin (il prend les lignes mixtes)
  • Et hop, à bosser le câblot avec un bout et retour au winch, (53.2 pour le Voyage 12.50, c’est quand même costaud)
  • J’arrache 40 cm qui me permettent de passer le câblot sur le barbotin
  • Et là, au guindeau, je reprends le mouillage, très lentement, mais je le reprends.
  • Je me dis que ma ligne de mouillage est sauvée, si je ne traîne pas, avant l’arrivée des cargos
  • J’ai gagné 7 mètres, pas un de plus, un puis bloqué, impossible de reprendre. Même au winch et en vitesse lente…

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  L’abandon


     On a du ramasser les reste d’un destroyer de la bataille des Dardanelles. On a culé de 40 mètres selon ma trace. Ou alors une autre merde du style filet de défense anti sous marin, ou une locomotive bêtement tombée là…
     Un coup d’œil aux cargos du rail montant, et il fallait prendre la décision… J’ai pris le temps de remercier ma ligne de mouillage de sa fidélité sans faille, détaché l’étalingure, et puis lentement, j’ai mis le la télé commande sur down… Et j’ai vu filer le dernier bout de mon mouillage…
 

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  Explications


     Mon ancre, une Delta, s’auto-bloquait, dans le davier, chaine bien retenue, simplement par le barbotin. Cà a toujours bien fonctionné, même dans du très mauvais clapot égéen.
     J’ai pour habitude, quand je suis solo, de laisser pendre un peu cette ancre, en arrivant dans un port. Pour deux raisons:

  1.  je peux, ainsi, en cas d’urgence, larguer mon mouillage depuis la télé commande du cockpit. Elle descendra toute seule.
  2. S’il me faut passer une pendille, l’ancre un peu descendue, évite le raguage.


     En arrivant à Canakkale, c’est ce que j’ai fait. On est restés trois jours, çà m’est sorti de la tête, et puis j’ai été perturbé par super pneumatique avec 2 x 225 cv, venu se mettre à couple, alors que nous étions arrière au quai. Il a passé ses amarres sur nos taquets, avec un retour sur son bateau. Ce matin, avant de partir, il m’a fallu gérer son cafouillage… Je n’ai pas du penser à recaler mon ancre… Et, dans le sillage du super RoRo croisé dans les détroits, la chaîne a dû sauter du barbotin, et…. Tout a filé à l’eau…
 

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  Enseignements
  1. L’ancre s’assure sur le davier en navigation… Hé oui…
  2. Récupérer le deuxième mouillage, dit mouillage secondaire (le nôtre est une FOB THP), n’est pas si évident que çà
    1. Il faut récupérer l’ancre, fixée sur paroi d’un des coffres du cockpit
    2. La ramener vers la plage avant. Par beau temps, çà va… Par mauvais clapot… Ce peut être sportif
    3. Récupérer la chaîne du mouillage secondaire. Dans notre cas, sous la couchette avant. Faire une série de tas ‘’bien pensés’’ pour la transférer vers la baille de mouillage
    4. Récupérer 40 m de bout, pour prolonger les 50 m de chaîne de 10, notoirement insuffisant ici.
    5. Remonter la ligne de mouillage, sur la plage avant, avec toute une famille de manillons qui ne demandent qu’à tomber à l’eau…

     On là fait en un peu plus d’une heure, dans des conditions optimales : pétole, pas de clapot, pas de circulation… Mais… je me pose la question ??? Comment faire quand les conditions sont mauvaises…

     Il y a une solution : un bateau de voyage bien pensé et deux mouillages à postes…
 

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  Mes amis ont du talent, prévenu par un mail privé de notre mésaventure, quelques réponses ci dessous:

s/y La Mutine:

Dieu merci ta plume et ton sens de l'humour ne gisent pas au fond des Dardanelles avec les locomotives et les cuirassés coulés. Cà ne m'étonne pas de toi, quitte à perdre son mouillage autant le perdre en beauté Bravo à Marie-France et bonne fête à elle.

Depuis ton mail, Dominique a assure l'ancre à poste avec 2 bouts au lieu d'un

s/y Lobea

Nous sommes déjà très heureux d'avoir de vos nouvelles, ressortis vivants de la mer noire, que nous avons fuit lachement au premier avis de coup de vent...Nous n'avons ni ton expérience ni ta compétence....

C'est pour cela que j'ai été particulièrement surpris par ton aventure: je me suis précipité sur mon cours des Glénan que je garde à bord; cela confirme mes souvenirs;

Etant à Kos, j'ai vérifié auprès des plaisanciers plus aguerris que moi au bar de la marine: ils sont unanimes (le soir tard...), comme pour le pastis il faut au moins 3 fois la hauteur, et ils pensent que tu as eu beaucoup de chance de crocher; moi qui te connais, je sais que c'est du génie (tenter l'improbable et le réussir!) et en plus tu as pu vérifier ton sondeur à grande profondeur...

Et n'oublie pas de mettre la boule de mouillage la prochaine fois pour être dans les annales des Dardanelles...

s/y La Marie Pierre "O"

Je te communique un lieu ou tu risques de trouver de quoi remplacer ton ancre et le reste A Kabatepe tu trouveras un musée qui renferme les vestiges ou les restes de notre attirail que nos anciens ont laissé en 1915 Il y a des vieux canons, fusils ,chaines etc....avec de l'huile de coude et ton imagination tu pourras te refaire un mouillage qui sera 'made in France '

s/y Swansea

Dès réception de ton mail je me suis dérouté. Swansea est sur zone comme disent les vrais marins. Je drague à l'identique de ce que faisaient les fiers matelots
d'Ataturc au même endroit, en 1915.
J'y passerai toute la nuit mais je remonterai ton superbe mouillage, admiré hier encore à Canakkale. En cas d'échec Ghislaine, en dernier recours, se propose de plonger en apnée.

s/y Eveil

Merci grand Michel, je vais ajouter quelques lignes au fascicule que je prépare. Son titre : '' Le mouillage pour les nuls '' Promis, je t'en dédicace un dès sa sortie.
Il est heureux que tu aies à ton bord, l'excellente Marie, ses soupes, ses assiettes de saison, ses ptit dej reconstituants, et sa vivacité d'esprit pour voler prendre les commandes quand tu te gratouilles les zoreilles et cherchant ton ancre. (hi...hi...comme fait Christian)
Ton Patrick le plus détestable......

Et de mon compère du Tutoriel TutOpenCPN:

Bonsoir à tous de la Bretonne région Malouine.
Il me semble qu'une ligne de mouillage encore plus longue s'impose. Eneffet, celle qui git au fond du chenal n'était pas assez longue pour le barrer entièrement. Voila sans doute la cause de cette galère .... Il eut suffit de s'installer tous ensembles sur la berge pour la tendre et faire cesser le flot continu des cargo, le temps que Michel passe tranquillement.

Gilletarom

 

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Et pour terminer, un clin d'oeil  --->      

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Michel Perruchot, s/y Laorana,  depuis Kabatepe, un petit port de pêche, sur la côte ouest de la presqu’île de Gallipoli… A quai, alongside...un rêve
 
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