Sylphe en Egée

20 au 22 juin

2003 

 

   0 milles

Psara au mouillage

20/06/2003

07:30

N 2-4

sol

   1 011  

Psara au mouillage

20/06/2003

19:30

N 2-4

sol

   1 010  

Psara au mouillage

21/06/2003

07:30

N 3-5

sol

   1 009  

Psara au mouillage

21/06/2003

19:30

N 5-6

sol

   1 009  

Psara au mouillage

22/06/2003

07:30

NE 3/4

sol

   1 012  

Psara au mouillage

22/06/2003

19:30

NW 2/3

sol

   1 015  

Psara

 

La sabre

et

Le Goupillon

  • Lui, lui c'est un psariote, un vénérable psariote qui a sûrement connu Jacques Lacarrière, qui a vécu 3 mois ici.
  • Mais après, dans les lignes qui vont suivre, ont peut s'étonner de  la débauche de nationalisme clinquant, et de fondamentalisme religieux, dont l'île est victime.
  • Tous les  22 juin a lieu à Psara, ce que Nicholas D. Elias, décrit textuellement comme un pèlerinage sur les lieux du "massacre de 1824" C'est un must pour un grec, écrit il.
  • Nous sommes en 2003, presque deux siècles plus tard, nous n'avions jamais entendu parler de ces massacres. Ceux de Chios, nous connaissions, Hugo, Delacroix, et les philhellènes avaient fait ce qu'il fallait pour çà. Mais les "massacres de Psara" ???
  • Nous somme restés pour voir
  • Nous sommes restés et pouvons témoigner de ce qui suit...

 

25 mars 1821, Monseigneur Germanos bénit les insurgés grecs à Patras

22 Juin 2003, l'Archimandrite d'Athènes bénit drapeaux et soldats à Psara

   
  • La météo n'est pas bonne du tout : vents forts, plus ou moins 6, de secteur NE.
    • C'est-à-dire la plus mauvaise des éventualités pour nous, si on veut piquer sur le sud de Lesbos pour gagner la Turquie.
    • Nous ne sommes plus qu'à deux étapes de Ayvalik.
    • Un petit NE sympa, force 3-4, cela irait encore, il suffirait de gagner le sud de Lesbos pour diminuer la longueur du fetch, et naviguer tranquilles au moteur.
    • Mais, force 6, c'est autre chose …
    • Surtout avec l'accélération du vent dans le détroit entre Psara et Chios.
    • D'ailleurs, l'état de la mer ne trompe pas : elle est tout blanc frisé, et cela brise dur sur les cailloux qui encadrent la rade.
      Bon, il n'y a pas le feu au lac, on a encore attendre, on a tout le temps devant nous avant la péremption définitive de nos visas en Turquie (officiellement, on est en Turquie, si, si …).
    • Et puis Psara nous a mis complètement sous son charme.
    • Nicholas D. Elias signale une grande fête commémorative organisée le 22 juin. On ne va pas manquer cela.
       
  • A ce sujet, Elias est un personnage qui m'intrigue.
    • On lui doit un excellent guide de navigation, guide précis et complet, exhaustif, il complète avantageusement le guide de Rod Heckel.
    •  Rod Heckel a été le premier à sortir un guide de navigation pour la Grèce. Cela a été la référence. Mais Rod est un poète jouisseur. Outre les indications de navigation, il ne manque pas de signaler les meilleurs tavernes, les bons vins, les plages avec des filles "topless", et éventuellement "topless and bottomless".
    • Nicholas D. Elias est beaucoup plus précis et technique. Ancien officier de la marine de guerre grecque, son ouvrage regorge des renseignements maritimes qui sont de véritables aides à la navigation. Pas de référence chez lui à la bouffe, au pinard ou au cul. Non, Nicholas D. Elias, lui, signale systématiquement les chapelles et les basiliques, les pèlerinages, les victoires maritimes grecques, et mentionne méthodiquement à quelle date, l'île dont il parle, a retrouvée la "Mother Greece" … A défaut d'être totalement facho, je subodore un ultra nationaliste fondamentaliste orthodoxe.
  • On va donc voir quel genre de fête ces grecs organisent.
  • Mais d'abord, la belle Psara telle que nous l'avons découverte.
  •  Belle, très belle et sauvage, battue de tous les vents. Ses côtes inhospitalières et la grosse houle qui vient de loin, la rende inaccessible de la mer sauf dans la grande rade bien protégée des vents dominants de nord. L'île est pelée, sans végétation, sans eau.
  • Seuls des pirates pourraient survivre ici.
  • Aujourd'hui, grâce aux liaisons ferries et quelques touristes, l'île permet à quelques centaines de personnes de survivre, bénéficiant de l'appoint de petites retraites et d'une belle activité de pêche côtière.
    • Mais tout vient de Chios : les fruits, les légumes, la viande, toute l'épicerie, l'eau de boisson, seul le pain est fabriqué sur place.
    • Et malgré tout cela, ou peut-être grâce à cela, les habitants sont d'une extraordinaire gentillesse.
    • Cela ne trompe pas, quand on les croise, leurs yeux cherchent votre regard pour vous saluer, et la chaleur de leur sourire marque leur plaisir de vous voir.
    • On est tombées sous le charme tout de suite.
    • Quatre bateaux de plaisance seulement dont trois français, lorsque nous y étions.
  •  On ne se marche pas sur les pieds !

  • Trois tavernes sur le port, la boulangerie et une petite épicerie qui attend chaque jour l'arrivée du ferry pour offrir fruits et légumes, et c'est tout.

 

  • Voilà, çà c'est le Psara paisible, tel qu'on l'a découvert. Et puis est arrivé le jour de la commémoration du fameux massacre.
   
   
  • Les massacres de Chios, oui on connaissait, Hugo et Delacroix se sont fait un max de blé avec leurs exclusivités. S'ils vivaient aujourd'hui, sûr qu'ils bosseraient pour Paris-Match : le poids des mots et le choc des photos …
  • Mais, qu'est-ce que c'est ce bordel ? La veille, le village était paisible, et là, deux ou trois cents personnes étrangères à l'île débarquent et l'envahisse.
  • Des curés, des militaires, des politiques athéniens, et des gogos para militaires.
  • Mais qu'est ce qu'ils célèbrent : une victoire, une fête religieuse, un rite païen ?
  • Non, ils célèbrent un massacre, ils entretiennent le culte du Turc musulman barbare et tueur cruel et meurtrier. Quelque part, ils poursuivent l'œuvre de Hugo et de Delacroix. Il faut célébrer et montrer au monde l'infamie du monde musulman. Et c'est le rendez vous de tous les nostalgiques : curés intégristes, militaires fanfaronnant n'ayant toujours digéré la grosse branlée que leur a foutu Atatürk, et politiques populistes avides de pub tapageuse. A ce sujet, le propriétaire du voilier arborant l'énorme pavillon grec, c'est un maire d'arrondissement d'Athènes, "spécialement chargé de Psara …"
  • Est-ce qu'ils envisagent de relancer une ligue attico ionienne ?
De la Barbarie
  • Alors, pourquoi les turcs seraient-ils allés massacrer 19.386 innocents, sur les 33.000 que comptait l'île. Pour tenter de comprendre, il faut revenir en arrière.
    En 1824, l'empire Ottoman règne sur toute la région depuis trois siècles, et tout c'est toujours à peu près bien passé. Tolérance religieuse, relative indépendance de la justice, large autonomie, et décentralisation des décisions. Seuls étaient exigés un impôt et une conscription dans les armées ottomanes. Tout comptes faits, pas beaucoup plus qu'en France, et depuis beaucoup plus longtemps. Ils étaient tous ottomans : musulmans, catholiques, orthodoxes, juifs et que sais-je encore.
  • Au début du 19em siècle, le Sultan s'est trouvé confronté à une véritable guerre civile. Guerre civile affaiblissant l'empire Ottoman, et profitant surtout aux puissances étrangères : la Russie qui souhaitait s'ouvrir les portes du Bosphore, l'Angleterre pour protéger la route des indes, et la France pour emmerder l'Angleterre. Ces gros couillons de grecs servant de faire valoir aux appétits des grandes puissances. Un petit coup de lyrisme romantico-révolutionaire, tellement à la mode et voila le feu partout. Et les turcs qui courent aux quatre coins de l'empire pour éteindre les incendies. Cela se comprenait aisément en Grèce continentale (le magne, Hydra et Spetsai qui sont pratiquement continentaux).
  • Mais pourquoi Psara, île pauvre et pelée à l'ouest de Chios, en plein cœur de la mer Égée. Au rayon des questions :
    • De quoi pouvaient bien vivre 33.000 habitants sur île dépourvue de tout, même d'eau ?
    • Ou logeait-ils leurs 100 navires dont certains pouvaient atteindre la respectable longueur de 75 mètres ? tiens, tiens …
    • Et que viennent faire à Psara les statues des cinq amiraux originaires de l'île, tous nés entre 1780 et 1790 ? Des amiraux hein … Pas des pêcheurs ou des marins du commerce, ou des matelots lambda, non, des amiraux, des hommes de guerre. Ha …

   
  • J'ai peut être trouvé un début d'explication en navigant dans le coin, en me frottant à cette mer hostile et à des vents dominants très difficiles à négocier. Et puis j'ai lu le bouquin que Michel de Grèce a écrit sur la Bouboulina, l'héroïne de Spetsai.
  • Spetsai et Psara on eu le même parcours : pauvres et désolées à la fin du 17eme siècle, Napoléon Bonaparte leur a donné l'occasion de faire d'immenses fortunes en moins d'une génération. Les blocus que l'Angleterre a imposé à la France, a permis de développer des flottes de contrebande de plus en plus nombreuses, de plus en plus puissantes. Flottes qui forçaient les blocus, pour livrer toute la méditerranée. Puis il a fallu se défendre des pirates, donc les armer les navires, et pour finir sous la poussée d'un nationalisme exacerbé installer des canons et les retourner contre les infidèles musulmans… Et voilà le travail.
  • En 1824, à Psara, les turcs s'en sont pris à un nid de contrebandiers, de flibustiers et de rebelles. Cela c'est très mal passé. Ce n'est pas tout à fait la vision romantique qu'en on donné Hugo et Delacroix.
  • L'explication est aussi géopolitique, si on regarde la carte, que l'on soit un peu marin et que l'on ait navigué dans ces eaux là :
  • Psara est le verrou de la navigation en mer Égée.
  • Par vents de nord, il suffit d'attendre le passage des convois et de tomber dessus à bras raccourcis.
  • Toutes les liaisons maritimes entre le Bosphore et l'Asie mineure, passent par là.
  • A l'époque de la marine à voile, il n'y avait aucune autre possibilité.
  • Alors, a qui a profité ce mauvais coup ? Pas les ottomans qui ne se sont jamais remis du costume qu'on leur a taillé, jusqu'à l'effondrement de l'empire en 1918.
  • Pas aux russes qui n'ont pas su exploiter les faiblesses de l'empire ottoman,
  • Pas aux français qui ratent tout,
  • Pas aux grecs nains politiques et économiques qui se sont vu planter par les grandes puissances une tutelle bavaroise,  pour  finir par la tyrannie des colonels, organisée par la CIA.
  • Peut-être aux anglo saxons qui ont récupéré Mossoul, la très riche en pétrole, alors que Mossoul avait été ottoman pendant huit siècles. Tiens, tiens …
  • Accessoirement cela a vraiment profité au British Muséum qui a soigneusement et méthodiquement pillé la statuaire du Parthénon, entre autres

Psara est la clé de la Mer Égée

  •  Les bras nous en tombent de penser que l'on puisse piller comme cela le patrimoine culturel d'un pays. Imaginez que les grecs viennent nous piquer la vénus de Milo !
Massacres d’ottomans
Le siège de Tripolizza entre mai et octobre 1821 fut un épisode clé de la guerre d'indépendance grecque. La prise de Tripolizza, capitale ottomane du Péloponnèse, fut la première grande victoire des Grecs insurgés sous le commandement de Theódoros Kolokotrónis. Les combats se résumèrent longtemps à des escarmouches. Les quelques tentatives de sortie se soldèrent par des échecs. Une reddition était en négociations à l'automne quand des Grecs pénétrèrent par surprise dans la ville le 5 octobre. La quasi-totalité de la population turque fut alors massacrée. On estime qu'un peu plus de 30 000 personnes, hommes, femmes et enfants, devaient s'y trouver au début du siège. En octobre, la population était tombée à 15 000, suite aux nombreux décès à cause des combats, de la famine ou des épidémies, mais grâce aussi à quelques évacuations. Après la reddition de la ville, les troupes grecques exterminèrent près de 8 000 personnes et pillèrent la cité

Massacres de Grecs
Le Massacre de Chios fut perpétré par les Ottomans contre la population grecque de l’île de Chios en avril 1822. Il constitue un des épisodes les plus célèbres de la guerre d'indépendance grecque.

L'île était une des plus riches de la mer Égée et les insurgés grecs tentèrent de la rallier à leur cause. L'Empire ottoman ne pouvait l'accepter. Il désirait faire un exemple qui impressionnerait ses sujets insoumis, voire aussi venger le massacre de Turcs par les Grecs lors du siège de Tripolizza. Après un débarquement d'un millier de partisans grecs, la Sublime Porte envoya près de 45 000 hommes avec ordre de reconquérir puis raser l'île et d'y tuer tous les hommes de plus de douze ans, toutes les femmes de plus de quarante ans et tous les enfants de moins de deux ans, les autres pouvant être réduits en esclavage. Le bilan est estimé à 25 000 morts tandis que 45 000 Grecs auraient été vendus comme esclaves. Seulement 10 000 à 15 000 personnes auraient pu s'enfuir et se réfugier principalement dans les autres îles de l'Égée. Ce massacre de civils par les troupes ottomanes marqua l'opinion publique internationale et participa au développement du philhellénisme.
Massacres de Psara
L'île aurait abrité 25 000 personnes avant l'attaque. Le bilan le plus courant est autour de 17 000 victimes : morts et vendus comme esclaves. Pour Constantin Paparregopoulos, il y aurait eu 3 600 survivants. Le Capitan-Pacha prit ou brûla une centaine de navires psariotes. L'île fut surtout totalement désertée. Les observateurs dans les quelques années suivantes évoquaient une île intégralement vide.

Origine: Wikipedia.

Voilà ce que nous avons vu à Psara le 22 juin 2003. Nous ne sommes jamais retournés à Psara.

 

 

 


 

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